Essai autour de l'eouvre de Yayoi Kusama
DATE: Octobre 2010
Editeur: Elsavier
Support: Evolution Psychiatrique

Yayoi Kusama.
«Dots obsessions»
Dans la tête de Yayoi Kusama.
Ma vie est un pois perdu parmi des milliers d’autres pois.
Manifeste de l’Oblitération. Yayoi Kusama, 1960.
«Les pois (j’ai vu les premiers à l’âge de 10 ans et je continu à en voir encore)/
Les pois sont ma marque de fabrique/
La vision obsessionnelle/
Des milliards de pois/
L’auto-effacement/
Un sol en macaronis (la peur de la nourriture)/
L’air en trop (la peur de l’air)/
Installations/
L’amour pour toujours/
L’obsession sexuelle/
L’obsession de la nourriture (la peur d’avoir à boire des milliers de tasses de café
jusqu’à ma mort)/
La contrainte des meubles/
La vision répétitive/
Les réseaux infinis de lignes/
Les points infinis/
Les étoiles infinies/
Les réseaux limités des lignes/
La prolifération et la fragmentation/
La cérémonie du suicide/
Les ustensiles de cuisine (une poêle à frire pour cuire des macaronis)/
Notre planète terre est un pois.» 1
Montrée pour la première fois en France Dots Obsessions, est une œuvre monumentale composée de géants ballons gonflables roses à pois noirs.Ce projet pensé à l’origine pour la Haus der Kunst de Munich et présenté également au Wiels de Bruxelles est exposé dans la nef sud de la Grande Halle de la Villette du 11 juillet au 17 aout 2008.
Dots Obsession, est une expansion d’un des thèmes majeurs de l’œuvre de Yayoi Kusama, la multiplication. "Cette installation provoque une sorte de danse sauvage du motif du pois, visuellement très envoûtante pour les visiteurs" explique l’artiste.
Accueilli au sein d’un espace proche de la chaleur du ventre maternel, le spectateur est en suite propulsé au centre d’une expérience artistique sismique, une véritable éruption chromatique. Entre envoûtement et répulsion, perte de repère et appréhension de l’infini l’art psychédélique de Yayoi Kusama nous mène vers un trip digne des effets des drogues hallucinogènes.
En dépassant la question du support de la toile Kusama réalise depuis les années ’70 une peinture environnementale, dynamique, organique.
«Dans une exposition, je veux exprimer visuellement des idées qui germent continuellement dans mon esprit, que se soit par des formes ou à travers des espaces. »2 affirme l’artiste.
Par des gestes répétitifs, ses expériences picturales s’étendent partout dans l’espace par la multiplication obsessionnelle du même motif : le pois. La peinture de Yayoi Kusama est virale, active, boulimique.
Son débordement du support classique de la toile d’abord sur le corps et en suite sur la nature et dans l’espace se révèle cohérent avec ses débordements libertaires proposés pendant ses performances collectives, où l’appel à l’orgie et la fierté de la nudité étaient plus joués comme libération érotique que sexualité génitale.
Yayoi Kusama pars du Japon en 1958 à l’âge de 29 ans pour arriver à New York où sa production artistique se montre tout de suite très prolifique. De la peinture abstraite aux performances dans les lieux publics, les interventions artistiques de Kusama ont participé de façon active et parfois scandaleuse à la libération sexuelle, aux mouvements pour les droits civiques et à la culture underground en défiant sans complexes le puritanisme de la société américaine de l’époque. Dans la seconde moitié des années ’70, Kusama se consacra également à l’écriture. Auteur de 19 romans (dont certains couronnées de prix) et de livre de poésie.
Souvent assimilée à divers mouvements et tendances artistiques (du Surréalisme au Pop-Art), Kusama a toujours affirmé son autonomie et son absence totale d’intérêts vers toute forme de catégorisation.
«I started from allucination», affirme souvent l’artiste. Selon son propre témoignage, ses premières hallucinations se produisirent alors qu’elle a 10 ans. Elle regardait le motif d’une fleur rouge d’une nappe sur une table et conserva cette empreinte sur sa rétine tandis qu’elle regardait au plafond et à travers la fenêtre. Les taches colorées s’imprimaient sur tous les éléments autour d’elle et sur elle, en la rendant accessoirement intégrée au décor. Ses œuvres apparaissent depuis toujours comme une sublimation formelle de ce sentiment.
Proche de l’univers de la Beat Generation la peinture de Yayoi Kusama tout comme les écrits de William Burroughs ont influencé toute une génération et leurs visions continuent à transformer le monde où nous vivons.
Pour citer les mots d’Erasme de Rotterdam : "Si les mortels se décidaient à rompre avec la Sagesse et vivaient sans cesse avec moi [la folie], au lieu de l'ennui de vieillir, ils connaîtraient la jouissance d'être toujours jeunes".4 La sensibilité artistique visionnaire de Yayoi Kusama représente alors un exemple de thérapie à travers la création artistique.
Yayoi Kusama réside actuellement à Tokyo dans un Hôpital Psychiatrique ou elle réalise depuis 25 ans ses peintures et ses sculptures.
1 Yayoi Kusama catalogue de l’exposition organisée au Consortium novembre 2000-janvier 2001. Editions Les presses du réel 2001.
2 Yayoi Kusama, texte d’introduction au catalogue de l’exposition organisée au Consortium novembre 2000-janvier 2001. Editions Les presses du réel 2001.
3 Éloge de la folie, Erasme, p.25 Éditions Garnier-Flammarion #36